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L'honnêteté intellectuelle, prérequis pour l'esprit critique

13/02/2020

L'honnêteté intellectuelle, prérequis pour l'esprit critique

  

L'esprit critique commence, entre autres, avec l'honnêteté intellectuelle. Le point de départ, si on veut l'exercer correctement, c'est de reconnaître que son adversaire a des idées qui méritent d'être défendues, et le créditer d'une force de vérité. Pourquoi ? Parce que ça nous oblige à voir qu'il y a deux points de vue possible sur une question. C'est la condition préalable pour se débarasser de l'envie d'avoir raison, qui nous empêche, bien souvent, d'être intelligents.

Partir du principe que l'autre n'est pas un.e con.ne, voilà un des préalables, même si nous reconnaissons volontiers la difficulté de la chose dans certains cas. Et c'est seulement à partir de là, en s'étant mis dans la peau intellectuelle de l'autre, qu'on peut sortir ses couteaux et découper ses idées comme une mortadelle d'Italie.

Quoi de mieux, pour montrer de quoi on parle, qu'un exemple ? 

 

On a pris une tribune, signée par une personnalité, dans un grand quotidien, sur un sujet majeur (de préférence un peu clivant). En l’espèce, une tribune de la présidente de région Ile-de-France et ancienne ministre Valérie Pécresse, dans le Figaro, sur la laïcité (Le Figaro, 08/12/17).

Et on s’est livré à un double exercice de compréhension-décorticage qu’on encourage à faire en long en large et en travers : défendre une position qui n’est pas la nôtre dans un premier temps (ce qui développe à la fois notre honnêteté intellectuelle et notre esprit de synthèse), pour ensuite mieux la démolir (ce qui développe notre capacité d’analyse et notre esprit critique). Et ensuite, seulement, se faire son opinion et prendre position.

 

On apprend à travers cette gymnastique à voir les incohérences de la pensée de l’autre dans ses fondements, tout en restant bienveillant intellectuellement avec lui/elle (avant de lui rentrer dans le buffet). C’est par cette exercice, on en est convaincus ici, qu’on apprend ce qui a de plus essentiel dans un débat, qui n’est pas d’avoir raison contre l’autre (même si c’est un bénéfice secondaire qui peut être plaisant), mais de mettre le doigt sur les points de rupture entre deux visions qui s’affrontent.

 

C’est cela qui permet de “dégager les enjeux”, c’est cela qui permet de prendre de la hauteur avant de trancher, et c'est, à notre humble avis, un des piliers de l'intelligence.

 

Voyons donc ça de plus près.

 

Disclaimer : nous ne prétendons certainement pas détenir les clés de cet art difficile qu’est l’esprit critique, et cet exemple de détricotage intellectuel n’en est qu’un exemple imparfait. Ce qu’on prétend (ou du moins essayons de) faire, c’est d'explorer un chemin (et une méthodo) qui nous y mènera.


 Décorticons l'article

 

“La foi oui, aussi loin qu’elle ne se substitue pas à nos lois” - Valérie Pécresse (Le Figaro, 08/12/17).

 

 

Remarque liminaire. C’est une tribune publiée dans le Figaro, journal de droite, par une personnalité de droite. Il est donc normal d’y voir une vision de droite, introduite avec un résumé...de droite :

 

 

Alors jouons un peu avant de commencer. Ecrivons-le en “gauche” :

“La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, utilise les musulmans pour se donner une image de fermeté dans son électorat. Elle dévoie le principe de laïcité pour montrer du doigt une minorité religieuse.”

On vous le remet en “droite”, pour goûter le sens des mots : “La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, dénonce l’impuissance de l’Etat face aux provocations des islamistes. Elle affirme avec fermeté la défense du principe de laïcité.”

Est-ce que vous voyez notre esprit critique pointer le bout de son nez ? Bien. Cette remarque liminaire pour dire : l’esprit critique, ça commence dès le titre et les sous-titres.

Mais là n’est pas notre sujet aujourd’hui. Commençons notre exercice, paragraphe par paragraphe.


 "Il y a 117 ans, la laïcité fut proclamée et aujourd'hui encore, elle est au cœur de l'actualité. Après la question du foulard à l'école, du voile intégral ou encore du burkini, ce sont les prières de rues à Clichy installées pendant plusieurs mois, sans que l'Etat ne prenne ses responsabilités pour régler la situation, qui viennent de défrayer la chronique. S'il fallait une fois de plus le démontrer, c'est notre capacité à agir qui est ici testée."

 

Défendons Valérie Pécresse : certaines associations religieuses qui ont un objectif politique (celui de voir la religion jouer un rôle plus grand dans leur vie et celle de leur communauté) organisent des évènements médiatisés pour défier notre conception laïque -non-religieuse- du vivre ensemble. C’est sciemment qu’ils provoquent l’Etat pour voir jusqu’où leur idéologie est acceptée, dans le but de créer un rapport de force et d’imposer leurs vues à la majorité.

Critiquons Valérie Pécresse : Les associations religieuses ne souhaitent qu’une chose : elles veulent pouvoir prier dans de bonnes conditions matérielles (ce qui est garanti par la constitution et la loi de 1905, et ce que la Mairie de Clichy les empêche de faire). Si elles organisent des prières de rues, c’est pour attirer l’attention sur une injustice, rien de plus.

 

"Disons-le clairement: chaque culte doit s'exercer dans des conditions dignes et certainement pas clandestines. Mais aucun culte ne doit pouvoir établir un rapport de force avec les autorités de la République dans le but de les faire céder. Ne pas réagir face à de telles situations, c'est courir le risque que notre ordre Républicain soit régulièrement défié, provoqué. C'est ouvrir la porte à toutes les dérives communautaristes. La laïcité est un rempart puissant contre ces assauts, le dernier peut être, à la fois principe politique et code de conduite collective que nous devons faire vivre et renforcer."

 

Défense : les associations ne défendent par leur droit à exercer un culte (ce qui est légitime), mais créent un rapport de force politique avec le reste de la société. Il s’agit de deux visions politiques différentes du vivre-ensemble -la première mettant en avant la communauté (religieuse en l'occurrence), qui devrait passer devant la République, la deuxième mettant la République et l’intérêt général au dessus de tout. L’Etat, qui est le “bras armé” de l’intérêt général, l’intérêt de tous, ne doit pas se laisser faire par une minorité. Et l’arme qu’il a à disposition, c’est la laïcité, et il faut s’en servir.

Critique : 1) c’est la pratique dans la dignité d’un culte qui est défendue, rien de plus. Penchons-nous sur le contexte pour comprendre : le nouveau maire (de droite) de Clichy a cru bon fermer la salle de prière louée aux associations musulmanes par la mairie jusqu’alors (tout se passait bien). Ce n’est pas la première décision de bon sens vu le nombre de musulmans à Clichy, mais c’est son droit. Les associations ont proposé de racheter la salle, il refuse, et veut en faire une médiathèque. Il leur propose une autre salle -plus petite et plus loin-, qui ne les satisfait pas au regard du nombre de fidèles (3000, la nouvelle salle ne peut en accueillir que la moitié). On peut donc se demander si ce n’est pas le maire qui justement, rentre dans un rapport de force politique avec les musulmans. Et ce n’est que dans ce contexte que les associations musulmanes, en dernier recours, tentent une action médiatique (ils prient une fois par semaine devant la mairie), pour pouvoir avoir une salle qui leur convient et prier en paix.

2) la laïcité n’a pas à être une “arme contre”. La laïcité, faut-il le répéter, c’est la neutralité de l’Etat face aux religions, rien de plus, rien de moins, et certainement pas l’interdiction aux croyants de faire de la politique. La liberté d’expression donne le droit à tous de revendiquer leurs opinions, et donc d’établir un rapport de force avec le pouvoir. La manif pour tous, qui défilait contre le mariage des homosexuels, n’était-il pas le rapport de force d’un culte avec les autorités de la République ? C’est leur droit, et oui, c’est une “dérive communautariste”, et c’est sain pour la démocratie que des gens aient des positions divergentes et n’attendent pas une alternance politique pour influencer le cours de choses.

 

"Depuis plus d'un siècle, la laïcité est consubstantielle à notre identité. Elle n'est pas le refus de toutes les religions, mais le respect de toutes les croyances, comme de la liberté de croire ou de ne pas croire. Elle protège le bien commun porté au-dessus des différences. La laïcité, c'est le génie français qui place un Etat neutre au-dessus des convictions particulières des individus."

 

Défense : si on remet en cause la vision des associations religieuses qui organisent les prières de rues à Clichy, ce n’est pas pour refuser l’Islam, mais pour placer l’Etat, garant de l’intérêt général, au dessus de lui. L’Etat au dessus des intérêts particuliers, c’est le “génie français”, qui fait notre identité, qu’il serait dangereux de remettre en cause.

Critique : le bien commun, que l’Etat devrait défendre, c’est également que la minorité puisse prier en paix. Il en va de nos libertés individuelles à tous.

Pour ce qui est du génie français, précisons que la laïcité n’est pas une fin en soi, mais un outil pour favoriser la tolérance. La laïcité à la française, séparant Eglises et Etat, est une manières de faire, mais pas la seule. L’Allemagne ou l’Angleterre n’ont pas le même parcours historique, et défendent donc la tolérance religieuse autrement, sans être laïques, et ça marche très bien. Le “génie français” est une manière (fort policée) de se prendre, une fois de plus, pour le centre du monde.

 

"C'est un principe de neutralité et non d'indifférence. Elle est ce qui rassemble et ce qui intègre. Loin d'exclure et d'humilier, la laïcité est cette école de l'intelligence dont Jean Rostand disait qu'elle vise à «former les esprits sans les conformer, les enrichir sans les endoctriner, les armer sans les enrôler». Elle est l'expression universelle du progrès, elle est un outil de liberté et d'émancipation, notamment des femmes dont l'égalité avec les hommes est l'une des conditions de son existence-même."

 

Défense : la laïcité est d’abord un principe de neutralité de l’Etat face à la religion. Mais elle est également un outil permettant de fait certains progrès, dont l’égalité homme-femme, que certaines visions religieuses ralentissent encore.

Critique : neutralité de l’Etat, on est d’accord. Outil favorisant un progrès en matière d’égalité homme-femme en mettant les Eglises et leur misogynie à leur place, peut-être, mais toutes les Eglises. Curieusement, on sent le regard beaucoup plus porté sur les musulmans -toujours pas nommés à ce stade de la tribune- que les catholiques ou les juifs, qui ne font pas forcément mieux dans l’histoire. Doit-on rappeler que quand madame Pécresse est née, les femmes n’avaient pas le droit d’avoir un compte en banque sans l’autorisation de leur mari, dans la république-où-l-on-naît-égaux-en-droits ?

La laïcité aide à l’égalité homme-femme ? D’abord, ce n’est pas son rôle, il y a d’autres lois pour cela. Ensuite, c’est la question de la poule et de l’oeuf : n’est-ce pas surtout parce que les mentalités évoluaient, au tournant du siècle, y compris sur les droits des femmes, que l’Eglise catholique plus du tout en phase avec les aspirations des fidèles a été peu à peu abandonnée au profit de la République ?

 

"Parce qu'elle porte en son sein l'universalité des droits, la laïcité n'est ni «ouverte», ni «inclusive» ni «fermée» et n'a nul besoin d'être qualifiée pour justifier des aménagements à la règle commune, revendiqués par ceux qui rêvent de remplacer l'universalisme républicain par le particularisme des communautés religieuses ou culturelles."

 

Défense : l’Etat et on l’a dit, l’intérêt général qu’il porte, doit passer avant les communautés et leurs revendications particulières.

Critique : la communauté est un échelon aussi légitime et importante que la nation ou l’Etat qui le représente, même si elle est moins bien définie juridiquement. Et les “communautés” passent leur vie à demander des aménagements à l’Etat : les handicapés demandent à avoir des services publics accessibles, les motards demandent à être les seuls à allumer leur phare en journée pour être bien visibles, et les syndicats veulent une augmentation du Smic. Pourquoi serait-il choquant qu’une association musulmane demande quelque chose ? On nous dira qu’il s’agit d’une communauté religieuse. Et alors ? Si les syndicats se mettaient à allumer des cierges pour le salut de Marx, on leur refuserait le droit de revendiquer ? On se rend bien compte de la limite de l’argument anti-”communautaire”.

 

"Depuis des années, nous constatons la volonté des islamistes radicaux et des partisans de l'islam politique d'affirmer la supériorité de la loi religieuse sur nos lois républicaines. Comment répondre à cette menace? Par la justice et la fermeté de l'Etat."

 

Défense : il y a d’une part une distinction à faire entre certains groupes, qu’on peut appeler islamistes, qui ont un agenda politique derrière leurs revendications religieuses, et le reste des musulmans. Ce sont les premiers qu’on remet en cause. Il faut d’autre part comprendre la clarté de l’agenda politique de cette minorité : faire passer leur particularisme avant la loi de tous.

Critique : Que certains revendiquent une supériorité de la loi religieuse sur les lois républicaines, c’est un procès d’intention : on n’a jamais entendu un seul responsable musulman à Clichy dire qu’il ne fallait pas respecter la loi de la République. Contre-argument : les catholiques de Civitas qui manifestent contre le droit à l’avortement, ce n’est pas une “volonté de catholiques radicaux et des partisans d’un catholicisme politique d’affirmer la supériorité de la loi religieuse sur nos lois républicaines ?” Le grand concours “deux poids deux mesures” continue. Ajoutons qu’heureusement que Civitas a le droit d’organiser des prières de rues devant le Sénat, ça s’appelle la liberté de conscience. Ajoutons encore que c’est un non-sens d’accuser une religion de vouloir faire de la politique. Toute religion, en donnant des prescriptions morales à ses fidèles, fait de la politique).

 

"Or, nos élus et nos concitoyens se sentent bien seuls face à l'absence de réaction des pouvoirs publics comme à la passivité du gouvernement et à la facilité du «ni-ni»: ni-intervention ni-stigmatisation. Nous avons tous besoin d'un Etat qui rappelle, inlassablement et en actes que les lois de la République sont supérieures à toutes les lois religieuses, sans exception. Plutôt que de reculer, ayons le courage politique de résister. La foi, oui, aussi loin qu'elle ne se substitue pas à nos lois républicaines."

 

Défense : Seul l’Etat a les moyens de faire primer la loi sur les particularismes, il faut donc lui demander de faire son job. Or, pour que l’Etat domine la situation, il lui faut la volonté politique, et il n’est pas certain que le gouvernement actuel l’ait.

Critique : Ce n’est pas que les pouvoirs publics ne réagissent pas, c’est qu’il n’y a aucune réaction à avoir. S’il y a une réaction des pouvoirs publics à avoir, ce n’est que si un trouble à l’ordre public devait être constaté. Dans ce cas on envoie la police disperser ceux qui prient après leur avoir demandé gentiment de partir : ça n’a rien à voir avec la laïcité. Il n’y a aucun problème de laïcité, sinon dans le regard de ceux qui sont dérangés par l’islam et sa culture différente du catholicisme.

 

"C'est exactement les principes que je veux faire observer dans la région Ile-de-France avec l'élaboration d'une charte de la laïcité que les associations et organismes doivent obligatoirement signer et respecter pour pouvoir bénéficier d'une subvention régionale. C'est encore ce que nous faisons en formant les animateurs des clubs sportifs à repérer les signaux de radicalisation."

 

Défense : La droite n’a pas le levier de l’Etat entre les mains, mais la région île de France essaie, à sa modeste mesure, de mener ce combat. En l’occurrence, conditionner le financement public par la Région des associations au respect de la loi de la République.

Critique : Et si nous faisions signer une charte anti-ébriété aux étudiants boursiers ? Ils touchent de l’argent public, après tout. Faisons signer une charte obligeant tous ces gens à respecter la loi interdisant l’état d'ébriété manifeste sur la voie publique en contrepartie de leur bourse. Nul ne doit être au dessus des lois. Nous pourrions également proposer de former les professeurs à reconnaître les étudiants boursiers alcooliques. Tout le monde aura compris le raisonnement par l’absurde : la loi de 1905 sépare l’Eglise et l’Etat, que vient faire une charte de la Région d’autre que d’exciter un peu plus les passions ?

 

"Jamais je ne tolérerai que pour des raisons électoralistes, le respect des lois et des principes de la République soit méprisé. La laïcité, ultime conquête de la République, est la pierre angulaire de la nation, de la paix sociale et de la cohésion nationale. Je ne la laisserai pas s'affaiblir par des pratiques qui sont autant d'épées de Damoclès et contre lesquelles nous ne devons pas avoir la main qui tremble."

 

Défense : la gauche veut faire plaisir à la communauté musulmane en n’attaquant pas trop frontalement ce problème, et a sans doute besoin du soutien des associations religieuses musulmanes pour gagner les élections au niveau local. Elle a donc manqué à son devoir de fermeté en matière de laïcité et a laissé la situation s’envenimer, laissant de fait les associations islamistes gagner du terrain.  

Critique : le procès en électoralisme est à manier avec circonspection. D’abord parce qu’il est le résultat inévitable de toute élection : il faut plaire à son électorat. Ensuite parce qu’il peut souvent être retourné contre son instigateur : madame Pécresse fustige l’électoralisme de la gauche, et on la comprend. N’y aurait-il pas, quelque part, même un peu, une touche d’électoralisme dans ses propositions de charte de la laïcité, une volonté d’apparaître ferme dans le regard des électeurs de droite ?

 

"Que fait-on ici et maintenant pour renforcer l'égalité femme-homme quand, au sein de certains territoires, de certaines activités, de certains lieux, les femmes sont de fait interdites d'accès? Que fait-on pour faire respecter la loi de 2010 contre le port de la burqa dans l'espace public? Quid de l'excision qui, si elle est interdite en France, concerne encore de trop nombreuses compatriotes, mutilées clandestinement, en France ou à l'étranger?"

 

Défense : derrière les mots, les concepts et les théories dans ce débat, il y a une réalité, qui est douloureuse pour certain(e)s. Car ces associations religieuses, établissant un rapport de force avec la République, sont également celles qui défendent une vision archaïque sur certains sujets, au premier lieu desquels la place des femmes dans notre société. C’est aussi pour elles qu’on se bat quand on défend la laïcité.

Critique : Mais qu’est-ce que tout cela a à faire avec la neutralité de l’Etat dans la religion ? Des pratiques comme l’excision existent encore, mais hors de France (elle est pratiquée sur les jeunes filles en vacances “au pays”). Que peut l’Etat, à part les campagnes d’informations qu’il fait déjà ? Leur interdire de partir ? Les mettre dans un orphelinat pour ne pas prendre le risque ? Tout cela n’a rien à voir avec les prières de rues à Clichy, et encore moins avec la laïcité.

 

"Citant Aristide Briand, le porte-parole du Gouvernement déclarait, il y a quelques jours pour justifier son attentisme, avoir «horreur de la guerre religieuse». Je voudrais lui rappeler la fin de cette citation, que je ferai mienne: «Nous serions bien imprudents si nous ne songions à munir l'Etat des armes dont il aura peut-être besoin pour résister demain». La laïcité n'est ni périmée ni dépassée. Vivante et inachevée, elle est à inventer chaque jour face aux défis nouveaux qui se posent à notre Nation."

 

Défense : “si vis pacem, para bellum” - si tu veux la paix, prépare la guerre - dit la maxime latine, résumant parfaitement la situation. La République ne cherche qu’une chose : permettre à ses membre de vivre ensemble dans la paix. Face aux minorités qui remettent en cause les fondements de cette paix par leur vision communautariste, il faut savoir s’armer - juridiquement, intellectuellement, moralement - en amont, pour gagner la bataille.

Critique : prendre appui sur Briand, rapporteur de la loi de 1905, pour armer l’Etat avec la laïcité contre le communautarisme musulman, est un contre-sens historique. Comparaison n’est pas raison. L’Etat républicain s’armait il y a 100 ans contre une structure ecclésiastique puissante, qui avait dominé l’Etat, opprimé les minorités religieuses et massacré ceux qui n’étaient pas d’accord pendant des siècles. L’islam en France n’a pas un demi pourcent de cette puissance ou influence aujourd’hui, et l’Etat est largement armé. Le combat, en plus d’être inégal, est inutile.

 


Petite synthèse des deux positions 

Valérie Pécresse pense que :

  • les association musulmanes ont un agenda politique derrière leurs revendications

  • elles font passer la communauté musulmane avant la communauté nationale

  • communauté qui véhicule des idées rétrogrades

L’Etat, qui représente la seule communauté légitime, doit donc reprendre la main, être ferme, et obliger les communautés moins légitimes à prendre le pli. Si on ne relève pas ce défi de "réarmement de l'Etat" face aux communautés religieuses, on prend le risque -sur le long terme- de remettre en cause la paix religieuse si durement acquise.

 

En face, on considère que :

  • la communauté religieuse est certes inférieure juridiquement à la communauté nationale, mais qu’elle a quand même sa légitimité, et qu’elle donne des repères humains que ne donne plus la communauté nationale.

  • On considère aussi que si la laïcité a été inventée comme arme de guerre contre une Eglise catholique puissante et oppressive il y a une siècle, faire la guerre à la minorité -si faible- musulmane aujourd’hui n’est pas un exemple comparable.

  • Les musulmans n’ont jamais prétendu ne pas respecter les lois de la République, même les quelques agités avec un agenda politique (et à l’exception des cinglés poseurs de bombes)

  • ce qui se passe aujourd’hui a plus à voir avec l'intolérance de quelques uns face à une culture qu'ils connaissent mal, qu'avec la laïcité.

  • Ajoutons peut-être, de manière plus objective mais sans être sur le fond, le deux poids deux mesures assez flagrant quand on parle de musulmans et laïcité : les prières de rues par des musulmans à Clichy vont contre la laïcité, les processions de la Saint Jean ou les prières de l’Assomption, elles, sont de la culture et de la tradition).

 


Conclusion

 

Nous avons défendu la tribune de Valérie Pécresse avec coeur, et une volonté de rendre cohérents des arguments qui ne le sont peut-être pas toujours d'après nous. Quoi qu’il en soit, nous avons fait de notre mieux, et la logique générale de son argumentaire se tient, nous le croyons, en tout cas au sein du cadre de pensée qu’elle s’est fixé. Si la critique paraît plus naturelle, c’est aussi parce qu’elle est plus aisée : rendons donc à Valérie Pécresse (et au collaborateur qui lui a écrit sa tribune) ce qui lui revient. 

 

A la lecture de cette Tribune, on entrevoit les réactions épidermiques. Les uns loueront le courage de Valérie Pécresse, les autres la traiteront de conne dans un demi-borborygme. La vérité, c’est qu’aucune de ces deux attitudes ne vous rendra plus intelligent.e.s.

 

La seule chose sensée à faire -si toutefois c'est votre développement intellectuel que vous cherchez plus que celui d'avoir raison- c'est de lire attentivement le point de vue adverse, prendre ce qu'il y a à prendre, et ensuite seulement construire sa pensée contre le reste.

Vous avez par exemple senti que nous ne penchons pas complètement du côté de Valérie Pécresse sur la question de la laïcité (et c'est un doux euphémisme). Mais son argumentaire contient des éléments intéressants : par exemple, l’idée que l’Etat peut être vu comme le dernier rempart de l’intérêt général. Valérie Pécresse nous aura donc non seulement amené à mieux penser la contradiction à ses idées, mais nous aura fait penser à un élément que nous reprendrons à notre compte dans d’autres circonstances (exemple : faut-il un salaire minimum garanti par l’Etat, dernier rempart de l’intérêt général, ou faut-il laisser les syndicats s’arranger entre eux ?).

 

Il faut toujours regarder les idées d’en face avec intérêt, ne serait-ce que parce que même les horloges cassées indiquent la bonne heure deux fois par jour. 

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