Neutralité et objectivité

On a souvent des commentaires sous nos épisodes qui nous remercient pour notre neutralité ou notre objectivité.

Mais est-ce que c’est possible, d’être neutre ou objectif ? Est-ce que nous, à L’esprit critique, on est vraiment neutres quand on vous propose un regard critique sur ce que disent les personnalités politiques et médiatiques ? Est-ce que le fait de ne pas commenter le fond, c’est vraiment une solution pour rester objectif ?

Alors. Faisons un point vocabulaire: il y a neutralité et objectivité.

La neutralité, ça veut dire qu’on ne prend aucun parti, qu’on ne pose pas de jugement de valeur sur les faits. Il s’agit d’une posture éthique, morale, où on choisit de ne pas exprimer son sentiment personnel.

L’exemple typique de média qui tend le plus vers la neutralité (sans jamais l'être à 100%) : les coupures de presse de l’Agence France Presse (AFP). Juste du factuel, à exploiter comme on veut.

L’objectivité, c’est pas tout à fait pareil. C’est une notion qui s’est définie au XIX^e siècle, quand les scientifiques ont commencé à réfléchir à leurs propres méthodes et, justement, à ce qui les rendait scientifiques, exactes, et donc différentes d’une opinion. Une observation objective, c’est une interprétation qui a été confrontée à des faits, et qui a été vérifiée. Ça veut pas dire qu’elle est absolument vraie, mais plutôt qu’elle a une certaine cohérence, et qu’elle fait l’objet d’un consensus à un moment donné.

Par exemple, de façon objective, on peut dire : un corps est composé d’atomes. Peut-être que ce fait scientifique sera un jour remis en cause, mais pour l’instant, tout le monde est d’accord.

En sciences sociales, il y a aussi des faits qui sont objectifs.

Exemples : la population française a augmenté de 0,3 % en 2021.

Au premier trimestre 2023, le taux de chômage en France était stable.

Ça, ce sont des faits objectifs, qu’on peut trouver sur le site de l’INSEE.

Le problème de la neutralité, c’est qu’elle est un idéal, un cap, une sorte de tangente vers laquelle on navigue, mais qu’on n’atteindra jamais. C’est qu’on est tous et toutes des êtres vivants avec des expériences personnelles, un regard situé, particulier sur le monde, et tout ce qu’on pourra dire, la manière dont on présentera les choses, même les sujets qu’on choisira de traiter, tout ça, ce sera marqué par notre subjectivité.

Par contre, même si les personnes sont, par définition, non neutres (idéologiquement et psychiquement), ça ne les empêche pas de pouvoir produire des analyses objectives.

Comment on fait ? Dans les médias, ça veut surtout dire faire preuve d’honnêteté intellectuelle. On fait preuve de transparence ; on vérifie et on donne ses sources ; on prend en compte plusieurs points de vue ; on se concentre sur la matérialité des faits. Et surtout, on sait reconnaître ses propres limites.

Alors, qu’est-ce qu’il faut retenir de tout ça ? Que la neutralité et l’objectivité sont des notions complexes, qui ont été très critiquées, et à raison, parce que le savoir a toujours une part de relativité.

Ici, à L’esprit critique, on a nos opinions, forcément, mais elles n’ont pas besoin de ressembler aux vôtres. Parce qu’on n’est pas là pour vous les partager, ni pour vous convaincre de quoi que ce soit, mais pour réfléchir ensemble à des moyens de prendre de la distance, d’interroger des démarches intellectuelles, et peut-être de parvenir à gagner en honnêteté, individuellement et collectivement.

Et pour ça, notre meilleur garde-fou, c’est vous.

Allez, assez introduit, faisons un peu d’esprit critique !

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